Oh non, il semblerait que votre panier soit vide...
Les coulisses d'une start-up industrielle
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Temps de lecture 6 min
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Derrière URBAN CUISINE, il y a l’histoire d’une entreprise. Il y a aussi l’histoire d’un duo convaincu qu’en ville, on peut produire et consommer des fruits et légumes de qualité. Rencontre avec Joséphine et Antoine, les fondateurs d’URBAN CUISINE, dans les coulisses de leur start-up industrielle.
Pour remonter aux sources d’URBAN CUISINE, il faut revenir à l’été 2018. Joséphine et Antoine, amis depuis quelques années, sont en vacances en groupe dans les Pouilles, au sud de l’Italie. Ici, on mange des plats généreux, à base de bons fruits et légumes cultivés dans les potagers environnants. Lors d’une discussion enflammée, la bande d’amis se questionne : et si on pouvait accéder à d’aussi bons produits en étant en ville ? Ramener le lieu de production dans le lieu de consommation ?
“À ce moment-là, on avait ce projet un peu flou, cette idée de cultiver chez soi pour éviter d’aller au supermarché acheter des herbes aromatiques vendues sous plastiques.”
De retour en France, le groupe d’amis se prend au jeu, fait des recherches sur le web, s’enquiert des avantages et des inconvénients d’un potager d’intérieur. Joséphine, bricoleuse, conçoit le premier prototype dans la cour de son immeuble. “Je passais mon temps à discuter avec le gérant d’un magasin de weed, qui avait de bonnes connaissances en hydroponie” se souvient-elle. Le premier prototype est concluant. Radis, laitue et ciboulette, les légumes poussent rapidement, grâce aux nutriments liquidés ajoutés dans l’eau. “À ce moment-là, on s’est dit qu’on tenait quelque chose. Aucun potager sur le marché ne proposait ce niveau de rendement. C’était dingue cette idée de contribuer à sa propre alimentation, de chez soi, même en étant à Paris !”
Si plusieurs amis de la troupe s'étaient intéressés au projet, Joséphine et Antoine sont les seuls à se sentir prêts à quitter leurs emplois respectifs pour se lancer dans cette aventure industrielle.
Mais qui sont-ils, ces entrepreneurs dans l’âme ? En premier lieu, tous deux sont originaires de Bretagne. “Je vivais dans un hameau de quatre maisons dans le golfe du Morbihan, raconte Joséphine. Nous allions tous les jours à la plage. J’ai grandi les pieds nus, à l’air libre.” Antoine passe son enfance à Brest, moins dans la nature, mais très actif au potager avec ses parents. “Je me souviens des plantations de tomates en mai, et aussi du désherbage ! ”
À 9 ans, Joséphine quitte la Bretagne pour Paris. Un choc. “J’ai pleuré en voyant la taille de la cour de récréation.” Ici, elle se sent oppressée. Après sa scolarité, son cursus à l’IPAG lui offre l’opportunité de quitter la capitale. Elle part à Rome, San Francisco, Édimbourg, Toronto… Pour sa première expérience professionnelle, Joséphine se lance dans l’entrepreneuriat. “Mon père, navigateur, traversait les océans avec un bateau sur foils. Ça nous a donné envie d’exploiter cette technologie pour transporter les Parisiens et les touristes.” Pendant 3 ans et demi, elle monte sa start-up hardware, avant de revendre ses parts une fois le projet stabilisé. Et commence à retrouver le goût de Paris.
De son côté, Antoine poursuit ses études à Nantes, avant de s’établir à Paris pour le travail.
“J’ai été embauché par un fond d’investissement qui finançait des transactions capitalistiques auprès d’entrepreneurs dans l’agro-alimentaire. C’était un job épanouissant, j’en apprenais chaque jour un peu plus sur ce qu’on mange, d’où viennent les semences, la logistique de la chaîne agro-business.”
Pour composer la recette de leur Motte de Culture (et éviter aux jardiniers de se transformer en apprentis chimistes), Joséphine et Antoine contactent le meilleur interlocuteur qui soit : l’INRAE. “J’ai simplement pris le téléphone, composé le numéro et expliqué notre projet, se rappelle Joséphine. Quelques jours plus tard, Christine Aubry, pointure de la recherche, nous a rappelés pour nous dire qu’elle adorait notre concept et pour nous donner tous les bons contacts.” De fil en aiguille, l’équipe échange avec de nombreux spécialistes de l’agriculture urbaine, tous plus bienveillants les uns que les autres.
En septembre 2019, la phase de recherche et développement peut enfin démarrer. Mars 2020, l’équipe monte un nouveau prototype plus élaboré avec l’aide d’un fablab, sorte de laboratoire collaboratif. Mais la crise sanitaire débarque et avec elle son lot d’incertitudes. “À ce moment-là, nous avons eu l’idée de lancer une campagne de crowdfunding pour démocratiser l’usage des Mottes de Culture. Les retours ont été très bons !” En parallèle, ils décident de lancer deux autres produits : les pots en liège et les balconnières.
Démarre ensuite la phase d’industrialisation. Nous sommes en septembre 2020. “À la 5e page de Google, j’ai trouvé un prestataire qui pouvait transformer notre prototype en version industrialisable, se remémore Joséphine. Cet ingénieur mécanique lançait justement son atelier pour produire des objets en petites séries.” Depuis, l’homme a mis fin à ses jours. Une nouvelle tragique pour l’équipe, qui travaillait avec lui 2 à 3 jours par semaine. “Il nous a fallu des mois pour remonter la pente.”
Durant plusieurs mois, l’équipe se lance à la recherche des meilleurs artisans et industriels pour façonner le produit, mais aussi créer le packaging et gérer la logistique.
“Nous avons sillonné les quatre coins du pays pour trouver les bons partenaires. Finalement, on s’est concentré sur le grand Ouest. C’était important pour nous d’être proches des gens, et de pouvoir être présent en quelques heures de trajet.”
La version 0 du Potager est livrée aux premiers acheteurs en mai 2021. “Nous avons parcouru la France en camion pour assurer nous-mêmes la livraison. D’Auxerre à Quimper en passant par Mérignac, nous avons découvert la diversité de nos clients, des novices en jardinage aux plus aguerris.”
Depuis, URBAN CUISINE a revu toute sa communication, lancé son application et s’est dotée d’une nouvelle version de son Potager, baptisée Liv.
Quand on leur demande s’ils ont toujours voulu monter leur entreprise, la réponse est mitigée. Antoine, qui se considère comme un “risquophobe”, ne pensait pas se lancer un jour. Et pourtant, à force de côtoyer des entrepreneurs, de visiter des sites industriels (et d’avoir fait le tour de son emploi), il s’est senti prêt à passer de l’autre côté.
“L’expérience de Joséphine dans le milieu du hardware m’a conforté dans ce choix. J’avais envie de donner plus de sens à ma vie professionnelle, de faire quelque chose de mes mains. Je me sens plus entrepreneur aujourd’hui qu’il y a 4 ans, même si je me définirais davantage comme un gestionnaire.”
Durant ces 4 années, Joséphine et Antoine ont été marqués par de nombreux moments, notamment à chaque étape de création du produit.
“Je me souviens d’un jour, nous étions dans l’usine qui produit le compact et la métallerie. Nos partenaires ont commencé à assembler le potager. Ils étaient fiers, ils le trouvaient beau. Ça m’a ému de voir que d’autres personnes partageaient notre engouement” raconte Joséphine.
S’ils ont monté le projet URBAN CUISINE à deux, ils ont été soutenus et accompagnés par des dizaines de partenaires. “Il faut tout un village pour monter un tel projet. Nous avons eu la chance d’être accompagnés par des gens extraordinaires.”
En 2022, le duo s’est agrandi pour accueillir Audrey, directrice artistique, et Hugo, responsable commercial. “C’est une fierté pour nous d’avoir pu recruter” lâche Joséphine. Satisfaits du chemin parcouru, tous deux ont hâte de livrer les 300 modèles du Potager Liv et d’inonder le marché, pour que chacun puisse cultiver ses propres fruits et légumes.
“On ne sait pas où tout cela va nous mener, il y a un mélange de stress et d’excitation. Une chose est sûre, on a envie de voir grandir URBAN CUISINE et de continuer l’aventure."